Si nous sommes embarqués, quel chemin choisir ?

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Quod vitae sectabor iter, Quel chemin suivrai-je en cette vie ?  se demande le poète latin Ausone (309-394). Descartes y songe dans son rêve de novembre 1619, qui fut rapporté par son biographe Adrien Baillet. Au-delà de l'anecdote, cette question est commune à tout homme. Elle exprime à elle seule la condition humaine puisque chacun, parce qu'il se gouverne lui-même, doit apprendre à se diriger et à s'orienter. Il est d'autant plus difficile de le faire qu'on est confronté à la diversité des croyances et des opinions. Il est alors d'autant plus difficile de s'orienter qu'il est difficile en l'absence de certitude de faire les bons choix.

Descartes exprime admirablement cette difficulté inhérente à la condition humaine en prenant l'image d'un voyageur égaré dans une forêt. Comparer l'existence à un voyage n'a rien d'original, c'est une image éculée, un cliché. L'originalité de Descartes consiste plutôt à suggérer que tout être humain est comme perdu dans une forêt. La forêt est celle des croyances et des opinions, de la diversité des mœurs et des modes de vie qui font courir à chacun le risque de s'égarer en prenant un mauvais chemin : c'est-à-dire de se tromper.

Si exister, c'est s'orienter, toute vie affronte le risque de l'errance. D'ailleurs, le verbe "errer" vient du latin "errare" qui a donné également le mot "erreur". Si on erre, si on tourne en rond, c'est parce qu'on est dans l'erreur et qu'on ne cesse de changer de direction, donc d'opinion. Mais, peut-être qu'il serait alors préférable de ne pas choisir et de s'abstenir de s'engager ? 

Beaucoup le pensent et s'imaginent trouver dans le refus de tout engagement, dans la passivité, une prudence, une forme de sagesse. Pour ne pas faire d'erreur, il faudrait en quelque sorte ne rien choisir. On perçoit immédiatement l'impasse de cette fausse solution. Ne pas choisir, c'est choisir ! Ne rien choisir, c'est toujours choisir : choisir de ne pas choisir. En somme, on n'a pas d'autre choix que de choisir : il faut agir, donc se décider pour un parti ou pour un autre, pour une direction ou pour une autre, pour un métier ou pour un autre.Pascal, lecteur de Descartes, conclura alors avec force : "Cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqués". Bref, exister, c'est agir, et agir, c'est décider, donc penser. Or, comment s'orienter dans la pensée ? Notre question revient toujours : quod vitae sectabor iter ?

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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